La malédiction de Mitimsaouf - 1
Je raconte assez rarement des passages de ma vie sur Twister City. Par pudeur sans doute.
Il est également des anecdotes de nos vies qui ne se racontent que dans l'intimité d'un cercle de proches amis autour d'un feu de bois au milieu d'une clairière sous le ciel étoilé d'une nuit d'été.
Il est donc de ces anecdotes qui nous poussent à remettre en question nos propres sens ou notre mémoire. Ces anecdotes là sont donc difficiles à partager, malgré le besoin de comparer son expérience à celle d'autres gens. Car la plupart d'entre nous ont une tendance à rejeter l'inexplicable. Le doute fait peur.
Cependant, après un certain travail d'introspection qui a récemment atteint ses limites, je me dis que partager avec vous - fidèles lectrices et lecteurs - cette question en particulier qui me hante depuis quelques années devrait me permettre d'y apporter une réponse.
Ou pas...
Ce récit est donc exact et fidèle à la réalité, si ce n'est quelques libertés de prises sur la forme pour que ce soit racontable. Et il commence par cette scène de ma vie qui a fait naître en moi cette profonde remise en question...
Nous sommes donc en juin 2004. Je retrouve des potes sur les quais Saint-Bernard à Paris pour danser de la salsa dans une des petites arènes. La soirée se termine et nous aidons les organisateurs à ranger le matériel. Il ne reste plus qu'un copain de la salsa (que j'appellerai ici SRP) avec une bande de potes à lui ainsi que moi-même.
Un de ses amis nous propose de boire un verre chez lui comme il n'habite pas loin. Il vient d'emménager, alors nous nous asseyons par terre au milieu des cartons. Nous sommes sept : mon pote SRP, notre hôte Sylvain, deux filles que je ne connais pas et deux autres mecs également inconnus. Il fait sombre et chaud.
Sylvain distribue des bières et un des deux mecs (un grand baraqué) commence à papotter avec les autres. Il se connaissent tous apparemment, sauf une des deux filles (une blonde). Bizarrement, le sujet de la conversation dévie très rapidement sur l'égyptologie. La discussion est animée et chacun (sauf moi) y va de sa connaissance sur les pharaons, la mythologie égyptienne, les pyramides et la culture de l'époque. Cela semble être un sujet récurrent chez eux.
Ils semblent tous avoir beaucoup de connaissances sur l'Egypte antique et le développement de leur brillante civilisation dans la vallée du Nil. Je suis impressionné par tant d'érudition - voir même pour certains d'entre eux, d'expertise - sur le sujet. Les interlocuteurs ne se contentent pas de citer des références, certains d'entre eux semblent avoir étudié le sujet de près et partage leur expérience personnelle. Je me sens complètement largué. Alors je me mets en retrait et j'écoute, n'osant intervenir.
Une polémique part sur les pillages des tombeaux. Sylvain et un autre de ses potes parle de malédictions qui auraient touché des pilleurs de tombes. Le grand baraqué s'anime, il soutient que tout cela n'est que foutaises, qu'à toutes époques des milliers de pilleurs ont violé des tombes pour leurs richesses et qu'ils sont restés impunis pour la majorité d'entre eux. Les archéologues pouvaient mourir asphyxiés par les gaz carboniques dégagés par les momies. La mort de personnes impliquées dans le pillage des tombeaux étaient souvent dues à des guerres de mafias qui organisaient le traffic d'objets précieux venant des tombeaux.
Les autres acquiessent d'un air grave. L'atmosphère qui était devenue lourde semblent se détendre... du moins, en apparence. La blonde s'apprête à prendre la parole. Au cours des échanges précédents, j'apprenais qu'elle s'appellait Sophie et qu'elle avait participé à des expéditions de restauration de tombeaux en Egypte. Elle a les traits tirés. Son allure me fait dire qu'elle a dû morfler dans sa vie à un moment ou un autre. Elle relève donc la tête et dit d'un air grave en gardant les yeux fixés au milieu du cercle que nous formons (ndlr : je résume très approximativement) :
- J'ai eu l'occasion d'étudier des textes de l'antiquité et en particulier ceux de Djedptahiefânkh... Et, vue ce que vous me dîtes, vous n'êtes pas sans savoir ce qui est arrivé aux pilleurs des tombeaux d'Eupator, d'Ânkhesen, de Mentouhotep III et de Philométor... Voulez-vous que je vous cite un passage du Sceau de Nékao ?
Silence...
- Donnez moi un seul nom de Prince Egyptien ou de Pharaon...
L'atmosphère devient oppressante. Les autres ne disent rien. Je sens qu'ils savent de quoi Sophie parle. Je me sens bizarrement mal-à-l'aise. Tout cela me dépasse. Elle nous regarde avec défi et gravité. Le grand baraqué est plongé dans ses pensées et se tortille nerveusement. Les autres ont une mine sérieuse et ils réfléchissent. Je sens des gouttes de transpirations couler le long de mes flancs. Il fait chaud et lourd...
Je me rappelle alors d'un truc.... Peu sûr de moi, je romps malgré tout l'inconfortable silence :
- Euh, quand j'étais gamin, j'avais lu dans un livre d'école quelquechose au sujet d'un pharaon, ou d'un prince égyptien ou d'un dieu, je me rappelle plus, qui porterait le nom de Mitimsaouf... Euh, vous connaissez ?...
Je regrette immédiatement ces paroles. On me regarde d'un air perplexe. Sophie me toise avec mépris. Le silence pesant d'avant mon intervention laisse place à un autre silence lourd comme une chappe de plomb, et ne pesant que sur mes épaules uniquement. Je me sens très seul tout d'un coup. Je tente de m'expliquer en bredouillant :
- Je... Ben oui... parce que, je me rappelle bien, j'ai appelé un de mes chats comme ça. Je l'ai appelé Mitimsaouf... comme le dieu égyptien, ou le pharaon, j'sais pas... Mitimsaouf... Il était blanc avec des tâches beiges...
J'entends des soupirs. Sylvain détourne le regard. Le mec baraqué me regarde comme si j'étais fou. Je rougis comme une pivoine. Je panique...
- Non... Mais... en fait, je... c'est pas vraiment mon chat hein !... Il était sauvage en vrai. Et c'est le mari de Caramelle notre ancienne chatte... Enfin, je veux dire, ils ont niqué ensemble et c'est devenu le père de Fripounet quoi. Mais j'vous jure que Mitimsaouf existe... Le dieu quoi ! Enfin, le Pharaon ! Je... sinon j'aurai pas appelé ce chat comme ça... Je veux dire...
NoOOoooon, c'est trop
horrible à raconter !!!...
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