"La part de l'autre" - Eric-Emmanuel Schmitt - 1
Je vais poster une petite série de notes sur le livre "La part de l'autre" de Eric-Emmanuel Schmitt.
Je l'ai lu il y a quelques temps, et j'en attendais beaucoup (trop ?). Voici donc une critique qui n'engage que moi, et dont le but n'est pas de descendre le livre, mais plutôt de s'interroger sur son contenu et faire part de mes impressions. La critique peut être un exercice très prétentieux, mais je pense qu'il s'agit d'un sujet important qui mérite réflexion.
Le livre raconte deux histoires en parallèle, celle d'Adolf H. qui obtient son admission à l'académie de Vienne et qui peut donc continuer ses études de peintres, et l'histoire de Hitler telle qu'il l'a vécu (enfin, à quelques détails près...). Ce livre raconte donc les conséquences de ce changement sur la vie de Hitler mais également sur l'histoire de l'Europe. L'auteur désigne le "Adolf Hitler" fictif par le nom de "Adolf H.", alors que le nom "Hitler" est utilisé tout au long de la partie biographique.
C'est donc un ouvrage philosophiquement engagé. J'accorde aussi beaucoup d'importance à la psychologie des personnages, les idées exprimées et le fond. Voici ce à quoi je m'attendais en gros : je m'imaginais que les deux vies différentes du Hitler du début du livre s'écarteraient petit à petit pour suivre un chemin très complètement différent.
Et bien, pas exactement...
Premièrement, dès les premiers chapitres, outre la différence d'admission à l'académie viennoise, la cassure entre les deux personnages est nette et abrupte. Pour Hitler (le vrai), l'auteur raconte sa vie chez la logeuse, ses difficultés financières, ses tromperies, ses tourments etc. Bref, ça colle. Mais pour le Adolf H., sa vie à Vienne (ses études etc) tourne en une histoire mélo-dramatique.
Déjà, notons l'importance des noms dans la narrtion, le Hitler fictif est appelé par son prénom : "Adolf H." alors que le vrai Hitler est appelé juste par son nom. C'est important d'un point de vue stylistique car ça permet de différencier les deux récit. Mais au passage, ça enlève une part d'humanité au vrai Hitler (alors que j'ai cru comprendre que ce n'était justement pas le but recherché).
Aussi, l'auteur n'offre à Adolf H. rien de plus qu'une rencontre avec Sigmund Freud. Je passe sur le fait que, personnellement, je trouve ce fait très fantaisiste. L'idée est néanmoins intéressante. Je me suis dit qu'il tenterait une sorte d'analyse psychologique sur Adolf H..
Et là, nouvelle déception : non. Adolf H. ne voit Freud qu'une seule fois.
Heureusement, à la fin du livre dans une post-face, l'auteur nous explique le pourquoi du comment de ce livre. Il y avoue qu'il avait développé bien plus la relation entre Adolf H. et Freud mais qu'il a enlevé le chapitre en question parce qu'il manquait d'action (je crois que l'éditeur l'avait voulu ainsi)... Admettons. Quoiqu'il en soit, d'après son roman, l'auteur n'a pu faire rencontrer Adolf H. et Freud que pendant quelques mois. C'est vraiment très insuffisant pour transformer un homme comme Hitler, surtout connaissant la psychanalyse à cet époque et les techniques thérapeutiques pour le moins approximatives de Freud.
En outre, je nourris de grosses réserves quant à la psychanalyse * et les méthodes thérapeutiques de Freud. Il a offert beaucoup de contributions au domaine de la psychologie. Mais ses théories sont très imparfaites, et certains de ses patients ont plus soufferts de ses thérapies qu'ils n'ont réellement été soignés.
Donc, concrêtement, cette rencontre avec Freud ne suffirait carrément pas à transformer pour le meilleur un homme comme Adolf H.. Symboliquement, l'idée est bonne, mais je trouve dommage qu'elle n'ait pas été plus développée et consolidée.
Je continuerai cette critique dans un autre article. Il y a beaucoup à dire. En attendant, n'hésitez pas à visiter le site de l'auteur où il parle de "La part de l'autre".
* Psychanalyse au sens freudien du terme (conçue par Freud). Je ne parle pas de la psychologie en général, au contraire.